-- J'ai ce matin, une réunion de la plus haute importance, Bénédicte : ne me passez aucun appel et que l'on ne soit dérangés sous aucun prétexte.
En plus de Mrs Fillerman et Nylon, j'attends deux autres personnes qui arriveront par l'ascenseur 22 : la première est une femme qui arrivera vers 10h00, et la seconde est un homme qui arrivera vers 11h15.
Je compte sur vous pour les escorter et qu'elles arrivent jusqu'à mon bureau avec la plus grande discrétion.

-- Compris, Monsieur ! J'y veillerai.

Nikolaï savait qu'il pouvait compter sur Bénédicte pour ce genre de choses. Elle avait servi dans les services secrets pendant de longues années dans son jeune temps, et il arrivait encore qu'on lui confiât quelques missions délicates, quand on avait besoin de la couverture d'une vieille dame sans histoire...
C'est vrai que Bénédicte avait un atout majeur pour mener à bien ce genre de mission : elle ressemblait exactement à Madame Tout le monde : la soixantaine bien frappée, une allure très classique avec ses cheveux gris ramassés en chignon, sa nonchalance affichée et ses lunettes qui lui faisaient ressembler à une grand-mère bonne pour une publicité de confiture...
Mais sous ses airs nonchalants, elle était d'une efficacité redoutable et savait toujours gérer au mieux l'urgence et les situations problématiques.
Qui plus est, sous ses airs de vieille dame sans défense, se cachait une ex-championne de boxe et de ju-ji-tsu, encore bien entraînée, et parlait couramment le russe, l'arabe et le coréen, en plus de l'anglais évidemment...
Pour finir, elle s'était vivement intéressée à la PNL ces dernières années et était en passe d'obtenir son diplôme de Docteur en PNL. Elle apprenait ainsi l'art de percer et de "programmer" la psyché humaine si besoin était...
Autant dire que Bénédicte était une pièce stratégique importante dans le bon fonctionnement de l'organisation et du palais de Nikolaï, et il ne se privait pas de la faire jouer en avant-poste lorsque la situation demandait à la fois discrétion et savoir faire humain...

Entre Nikolaï et Bénédicte s'était instauré un respect mutuel depuis bien des années déjà. Elle faisait partie des meubles de Nikolaï et des archives de sa vie depuis près de dix ans, servant à la fois de mémoire et de tombeau aux aventures les plus folles que l'histoire ne raconterait jamais à l'identique de leur réalité même si elles venaient à être ébruitées...
Bénédicte n'avait jamais besoin qu'on lui fasse un dessin, elle avait l'esprit vif et comprenait intuitivement ce que Nikolaï lui demandait. On aurait dit qu'ils utilisaient tous deux le même langage codé pour se comprendre.

L'ascenseur 22 était, depuis toujours, une entrée secrète du palais qui se trouvait à quelques rues de l'entrée principale. On y accédait par le sous-sol d'une villa tenue par les services généraux. Elle permettait de rejoindre le palais en toute confidentialité, par un dédale de couloirs souterrains annexés depuis l'ancien réseau des catacombes parisiens.
La sortie du souterrain qui reliait la villa au palais, donnait directement dans la pièce d'archivage attenante au bureau de Bénédicte, celle-ci était la seule à connaître ces allées et venues secrètes de ces invités particuliers qui ne devaient rallier le palais que sous couvert d'incognito total.
Bénédicte savait donc exactement ce qu'elle avait à faire...

Nikolaï était de bonne humeur aujourd'hui, et somme toute, il trouvait que la vie était plutôt bien faite. Il était le maître tout puissant du pays, il serait bientôt l'heureux époux d'une femme magnifique, et sans arrêt se dressaient devant lui, de nouveaux défis à relever...
Oui, Nikolaï Sherkan était un homme heureux en cette douce journée d'automne. Il avait eu une bonne nuit de sommeil, bercé par ses rêves en cours de réalisation, et ce matin, il avait effectué son entraînement sans trop de douleurs. Il se sentait bien dans sa tête et dans son corps, et avait hâte de découvrir ce que cette nouvelle journée allait lui réserver...

Henri arriva le premier à leur rendez-vous quadrilatéral au sommet. A l'inverse de Nikolaï, sa nuit ne semblait pas lui avoir apporter beaucoup de repos et de profondes cernes creusaient son visage. Heureusement, la fatigue n'affectait que très rarement son humeur et il avait une excellente résistance au stress.
Nikolaï lui demanda s'il avait bien organisé la venue de Carolina et s'il avait réussi à contacter le conseiller en image sur lequel il comptait pour élaborer leur communication marketing des prochaines semaines.
Henri lui apprit que le conseiller en question était actuellement très malade et qu'il était dans l'impossibilité de collaborer au projet. Néanmoins, il avait trouvé quelqu'un qui pourrait faire l'affaire ,et que c'était lui qui allait venir en lieu et place de celui attendu. Nikolaï pourrait alors s'en faire une idée et prendre sa décision ensuite.
L'idée de travailler sur un projet aussi délicat avec un inconnu mit Nikolaï mal à l'aise, mais il se raisonna en se disant que c'était toujours grâce à des éléments nouveaux qu'on avançait, et que malgré le vieil adage qui veut nous faire croire que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, il n'était pas contre les investissements dans de nouvelles valeurs... pour peu qu'on arrive à être sûr de lui.

-- Il a des références ton "conseiller" ? Il fait partie des services ou il travaille en indépendant ?

-- Bah... C'est difficile à dire. J'ai déjà eu à faire à lui sans avoir directement traité avec lui. C'est une sorte de free lance qui collabore étroitement avec les services dans les cas épineux.
Actuellement, il est en mission sur le dossier délicat de la SNCF, et crois-moi, il marche sur des oeufs, pusiqu'il est en double mission : il doit conseiller en interne le staff dirigeant pour qu'il prenne les mesures que nous souhaitons faire passer en douce et en douceur... Il doit aider à développer le plan de communication interne et externe pour que tout se passe au mieux avec les syndicats, tout en ayant reçu nos invectives pour que le DG fasse le faux pas qu'on attend pour le limoger... S'il fait la moindre erreur, tout peut lui retomber dessus, c'est un artiste stratège de la manipulation mentale : il a l'art de convaincre et de nager en eaux troubles...

-- Il est pas un peu vicelard, ton gars ?

-- Tu sais, Nikolaï... pour ce genre de besogne, c'est plutôt une qualité. S'il était droit, direct et honnête, que pourrais-tu toi-même en attendre dans le dossier que nous avons à traiter ?

-- C'est pas faux, Henri ! C'est pas faux...

-- Tu peux lui faire confiance, et puis côté discrétion, je peux t'assurer que c'est une tombe : aucun souci de ce côté-là...
Par contre, sans lui en dire trop, j'ai testé un peu sa motivation pour savoir ce que l'on pouvait attendre de lui, et... comme il ne fait pas partie directement des services, il va falloir le dédommager pour son investissement dans le projet...
Ce qui, tu le reconnaitras toi-même est normal : tout travail mérite salaire !

-- Oui, ça me semble normal en effet. Vous avez fixé quelque chose ?

-- Hum... Pas vraiment. Je ne voulais pas m'engager sans ton accord. Je lui ai demandé ce qu'il attendait. Du coup, on a évoqué une fourchette, qui peut, à priori, sembler surévaluée, mais...

-- Henri, arrête d'enrober : combien il réclame ?

-- Brut de brut sans explication ?

-- Oui !

-- Il veut 500 000 de suite si tu l'engages, versé à son nom à la Suissesse de Génève, et une commission sur chacune des opérations de communication réussie de 25 000. Mais je te le répète : c'est un as ce mec... et une tombe !

-- Tu ne trouves pas que ça fait un peu cher de l'inhumation à ce prix-là ?...

Nikolaï écarquillait des yeux. A ce rythme-là, il n'était pas prêt d'être en mesure de reboucher le trou de la Sécurité Sociale !

-- Je suis d'accord, Nikolaï, mais c'est pas rien non plus ce qu'on lui demande. Pour qu'un secret soit bien gardé, il faut savoir payer le prix. Et puis, il en va de la tranquillité nationale et sociale du pays : tu imagines une fuite sur ce projet ?... Quelle crédibilité te resterait-il ?... On ne peut prendre aucun risque ! Et puis, après tout, c'est le seul "externe" qui mettra son nez dans cette affaire, et il n'aura pas accès à tous les éléments : lui, il doit mettre en scène votre idylle de façon à la faire accepter, mais il ne sait rien du CNE...

-- Et Charles, tu lui en as parlé ?

-- Ah non ! Je te laisse lui annoncer toi-même les budgets qui te sont nécessaires : moi, j'assure les arrières et le nettoyage éventuel s'il y a des bavures. Chacun son job !
Si je demande ça à Charles, il va hurler au scandale, au gaspillage de l'argent public, etc... Moi, je ne suis qu'un exécutant, Nikolaï, le maitre d'oeuvre, c'est toi !

-- On va déjà le recevoir ton conseiller et on se fera une opinion d'après les propositions qu'il nous exposera et sa compétence à gérer le dossier. Tant qu'il n'est pas engagé, on ne dit rien à Charles.
En plus, on peut peut-être prélever une partie du financement dont on a besoin auprès de certains de nos adhérents au tourisme fiscal, non ?... Tu pourrais voir du côté des derniers virements effectués à la Suissesse et me constituer une liste de noms parmi lesquels je trouverai peut-être quelques mécènes pour le projet ?... Histoire d'alléger un peu les foudres de Charles et le budget global...
De toute façon, cet argent qu'ils mettent là-bas, il appartient à l'Etat français quand même, non ?... Si l'Etat en a besoin, c'est normal qu'ils aident un peu... Emploie les moyens que tu trouveras et tempères en disant qu'en échange je promets de déployer de nouveaux boucliers fiscaux d'ici quelques mois, que c'est l'investissement nécessaire pour récolter plus : investir plus pour récolter plus...

-- L'essentiel de toute négociation est de bien savoir évaluer ce que l'on à perdre et à gagner... Et, en matière fiscale, les gros contribuables savent en général reconnaître où est leur avantage même s'il n'est pas immédiat... Ils ont un instinct de survie financière hyper développé...

Charles arriva sur ces entrefaites, et après les salutations d'usage et quelques échanges standard, il alla droit à l'ordre du jour qui les réunissait tous les trois.
Charles était un homme de décision qui n'aimait pas perdre son temps et tergiverser. Pour lui, le temps était un bien, bien plus précieux encore que l'argent, parce que typiquement, on ne pouvait ni le créer, ni l'acheter, ni l'inventer : on ne pouvait que le gérer.
A l'inverse de l'argent, le temps n'appelait pas le temps : on ne pouvait pas le faire fructifier pour en récolter un peu plus quels que soient les cours de la Bourse. Tout temps perdu était définitivement et irrémédiablement perdu : c'est pourquoi il s'acharnait à l'employer toujours au mieux.

-- A quelle heure arrive Madame Baroni ?

-- Henri ?

-- Une voiture passe la prendre à 9h30 et des poussières et devrait la déposer à l'échoppe entre 9h47 et 9h54. Ensuite, c'est Bénédicte qui est chargée de la rapatrier jusqu'ici... Je dirai qu'elle devrait arriver vers 10h06, voire 10h11...

-- Nous avons donc environ 1h00 pour voir le Contrat Nouvel Emploi, et pour envisager l'avenir de Régina. Je propose que l'on commence par le CNE Bis...

-- Tu t'es inspiré du modèle de 2005 ?

-- Oui, pour une bonne part, j'en reprends le fonctionnement original. Il est évident que nous allons voir un tollé général de protestation se soulever au niveau des syndicats et des salariés, ce projet était particulièrement mauvais... mais bon, c'est le but, non ?...
Enfin, il ne faudra pas tenir tête trop longtemps à faire semblant de le défendre, parce que les plaisanteries les plus courtes sont toujours les meilleures, et la conjoncture est déjà assez difficile à gérer comme ça sans y rajouter une révolution en masse de la population.
Tu sais, Nikolaï, je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée...
Pour résumer de façon très schématique : ce sera un contrat qui pourra se substituer au CDI actuel avec une période d'essai rallongeable jusqu'à 2 ans, période au cours de laquelle l'employeur pourra rompre le contrat de travail sans avoir besoin d'aucun motif et sans justification, à l'américaine quoi...
Les indemnités de départ du salarié seront alors très modérées voire nulles. Et ce contrat est censé relancer l'économie en favorisant les embauches de la part des employeurs, embauches qui sont à l'heure actuelle gelées par la crainte des patrons de ne pas pouvoir licencier facilement sans frais ni conséquence en cas de difficultés économiques temporaires ou durables.
Les avantages n'y sont presque qu'unilatéraux : le salarié n'a à y gagner que le temps de préavis qui disparait de ce type de contrat même en cas de rupture de l'engagement de son fait. Il peut lui aussi, décider du jour au lendemain de rompre le contrat de travail sans avoir à se justifier, et ne doit alors rien à l'entreprise.

-- C'est très bien, Charles ! Je vois que tu as aussi prévu l'argumentaire qu'il va nous falloir faire passer auprès des gens en 6 points bien expliqués.
Avant d'affronter les journalistes, il faut organiser une conférence en interne pour bien expliquer à nos ministres et élus les avantages que ce contrat procure en matière de création d'emploi, ainsi que la simplification des démarches et formalités de licenciement en cas de difficultés économiques majeures dans l'entreprise d'une part ; et de l'autre côté, il faut faire passer le message que les salariés y gagnent en liberté et en autonomie de gestion de carrière du fait de la souplesse de l'engagement. Cela permet une mobilité incroyable...
On devrait s'en sortir pas trop mal, non ?... T'en penses quoi, Charles ?

-- Je ne sais pas encore ce qui va être le plus difficile, mais je ne me sens pas très à l'aise avec ce CNE. Je te demande de désigner un porte parole pour le présenter au public et le défendre parce qu'en ce qui me concerne, c'est au-dessus de mes forces !... C'est le lynchage assuré auprès des médias, de l'opinion et des syndicats : je viens moi aussi d'arriver, Nikolaï, et j'aimerais de temps en temps avoir quelques moments de répit...

-- Accordé, Charles, tu as raison : on va trouver quelqu'un ! Je te rassure : je tiens à te garder à mes côtés...

-- On n'a qu'à le refiler à Régina ! plaisanta Henri.

Les trois compères pouffèrent de la bonne blague, puis Nikolaï sourit de façon énigmatique tout en réfléchissant... Et pourquoi pas, hein ?...

-- Tu n'as peut-être pas une si mauvaise idée, Henri... mais ça n'est pas le moment opportun pour la jeter en pâture à l'opinion. Pour l'instant, nous avons plutôt intérêt à la ménager et à la mettre en confiance, sinon elle risque de cracher son venin à tout va...
Non. Concernant Régina, il faut d'abord faire en sorte qu'elle soit rassurée et qu'elle se sente considérée comme elle pense le mériter...
Au fait, Henri, tu lui as trouvé un prétendant ?

Henri eut un sourire qui ne pouvait pas tromper Nikolaï : ce sourire qu'il arborait quand il savait qu'il allait prouver sa grande ingéniosité, et qu'il avait devancé toutes les objections possibles.

-- Mieux que ça, Nikolaï : j'ai trouvé l'homme de la situation !

-- J'ai là-dedans la garantie de ton innocence, Nikolaï... J'ai récupéré les résultats de l'amniocentèse de Régina et donc l'empreinte ADN du bébé, et la part héritée de chacun de ses deux parents. Ta paternité semble bel et bien fondée.

-- Si c'est pour m'apprendre cela Henri, il ne fallait pas te donner tant de peine, j'aurai pu te confirmer l'information moi-même. Régina peut être machiavélique, mais elle ne joue pas aux coups de bluff...

-- Eh bien, si j'étais toi, je n'en serai pas si sûr !
Nous possédons tous une empreinte génétique unique, mais il reste quelques rares cas de gémellité cellulaire sans avoir aucun lien de parenté qu'on ne sait pas trop expliquer d'ailleurs, et des erreurs de reconstitution de l'empreinte génétique aussi...
En fouillant les banques de sperme internationales, qui utilisent le codage génétique comme critère de classement et d'archivage, j'ai trouvé cela...

Henri extirpa de sa sacoche la photo d'un homme, d'une cinquantaine d'années, au type méridional voire oriental, possédant quelques traits physiques communs évidents avec Nikolaï.

-- Doumatou Fakerson, 53 ans, célibataire. Homme d'affaire d'origine saoudienne par sa mère et bulgare par son père. Né aux Etats-Unis, il tient une galerie d'art à Los Angeles. Pas de femme, pas d'enfants. Il a une bonne éducation et des revenus confortables.
Mais, surtout... il a une empreinte génétique similaire à la tienne à 85% ! C'est pas beau, ça ?...

Nikolaï était estomaqué. Comment Henri, en si peu de temps, avait-il réussi à trouver cet homme aussi providentiel qu'improbable, qui allait peut-être lui sauver la mise si Régina l'obligeait publiquement à se soumettre à un test génétique de recherche en paternité au cas où il ne lui concéderait pas ce qu'elle exigeait ?...
Nikolaï était admiratif... et soulagé de voir qu'il y avait toujours des possibilités auxquelles on n'avait pas pensées pour sortir des situations de prime abord désespérées...

-- Alors là, Henri... C'est du travail d'artiste... Je te redis toute mon admiration pour ton efficacité !

-- Je dois dire que c'est à peine croyable en effet, ajouta Charles, qui pourtant d'ordinaire n'approuvait guère les méthodes d'Henri.

-- Non, non les gars, ça c'est rien du tout, je vous le garantis... J'ai gardé le meilleur pour la fin...

-- Le meilleur ?... C'est-à-dire ?...

-- En fait, pour mes recherches, je suis parti de Régina et son amniocentèse. Elle a fait pratiqué celle-ci dans une clinique de Los Angeles. Cela m'a paru un peu étrange, j'ai donc approfondi la question... Il s'avère que Régina souffre depuis fort longtemps de problèmes hormonaux et de divers kystes ovariens en résultant. Elle a consulté les plus éminents spécialistes, en France d'abord, puis il y a 7 ou 8 mois à Los Angeles, sur le conseil d'un gynéco parisien réputé, qui était manifestement dépassé par son cas.
Les examens qu'elle a subis à Los Angeles sont dans les grandes lignes consignés dans son dossier là-bas, et on n'y apprend notamment qu'elle souffrirait également d'un problème de stérilité...pour lequel elle a manifestement commencé un traitement il y a quelques mois...

Nikolaï et Charles écoutaient Henri avec la plus grande attention. Pour l'instant, le puzzle en était à son début, et Henri étalait tous les morceaux à portée de leur cerveau.

-- Cette clinique à Los Angeles est spécialisée dans le traitement de la stérilité. La stérilité est un problème que l'on réussit à traiter dans environ 70% des cas de nos jours, principalement grâce à la stimulation ovarienne, ou par la fécondation in vitro... Si le dossier de Rachida ne mentionne aucun recours à l'un de ces deux traitements récemment, il n'empêche que cette clinique possède l'une des plus grandes banques de sperme des Etats-Unis et emploie les meilleurs généticiens en vue d'améliorer encore la prise en charge de la stérilité.

Là où je veux en venir, c'est que : nous savons que depuis moins d'un an, Régina s'est rendue plusieurs fois dans cette clinique, d'autre part, dans cette clinique, un donneur du nom de Doumatou Fakerson a une empreinte génétique comparable à la tienne à 85%...
La combinaison de ces deux éléments fait que nous pouvons démentir publiquement sans grands risques ta paternité en cas d'absolue nécessité.
Evidemment, Doumatou et toi, vous n'êtes pas jumeaux : des différences subtiles persistent, mais dans ces 15% de différence, il y a une marge d'erreur toujours possible, et en négociant un peu avec le labo chargé de la codification, on peut à mon avis faire en sorte que le juge requis pour valider les résultats s'il y a procès, ne soit pas en mesure de statuer sur l'évidence de ta paternité.
Doumatou ne peut pas savoir comment son sperme est utilisé une fois qu'il l'a donné, et la parole de
Régina contre la tienne et celle de la "rigueur scientifique" réunies, ne pourra pas faire le poids...

-- J'avoue que c'est pas mal vu, Henri... Tu es certain de ce que tu avances au niveau des empreintes génétiques ?...

-- Affirmatif. Rappelle-toi cette jeune fille dont j'ai oublié le nom, la soi-disant fille cachée d'Yves Montand... C'est aussi une affaire que j'ai rondement menée, jusqu'à dégager complètement l'âme et la conscience de ce pauvre Montand, même si... oui, c'était bien sa fille ! D'ailleurs, si son cas fait maintenant jurisprudence, c'est un peu grâce à moi... Donc, pour la paternité génétique, on a la parade ! N'aies aucune inquiétude là-dessus... Et c'est Régina qui m'a aidé à la trouver !

Ceci dit, si vous pensez que le risque est trop grand, on peut aussi échanger le bébé à la maternité. Il n'y a rien de plus facile : nous réalisons cette opération plusieurs fois par an, et n'avons jamais failli.

-- Ah non ! s'exclama Charles. Je refuse d'entendre la suite de la discussion si de telles méthodes venaient à être employées ! Je sais bien que dans les renseignements, il y a des personnes de ce genre, avec peu d'éthique et peu de moralité, mais vous vous débrouillez en général, Dieu merci, pour que jamais personne ne les entende !
Je tiens à rester un citoyen lambda, et à ne rien savoir de ces pratiques que je ne peux pas cautionner !

-- Je suis d'accord avec Charles, n'allons pas trop loin. Régina n'est ni une criminelle ni une terroriste, restons fair play autant que possible : des négociations, oui ; de la violence, non !

-- Moi je disais ça pour rendre service... grogna Henri, mais je me plierai aux ordres et choix qui seront faits.
Et pour l'éloigner, vous avez un plan ?

-- Je pense que Régina, malgré ses défauts, ne mérite pas qu'on la lynche en place publique. Je ne viens pas prendre sa défense, mais je ne veux pas être complice d'un règlement de comptes personnels qui pourraient aboutir à des conséquences humainement dramatiques.
Je propose qu'on offre au plus vite à Régina une "promotion" à la hauteur de ses ambitions ,qu'elle ne pourra pas refuser et qui l'éloigne de Paris aussi vite et aussi longtemps que possible.
Ensuite, par contre, ce sera à elle seule de prouver qu'elle a les capacités d'assumer cette charge, et nous pourrons lui laisser tout pouvoir de réussir ou d'échouer.

Qu'en pensez-vous ? demanda Charles.

-- Charles a raison. Régina n'est pas un monstre sans coeur ni qualités aucune. Je ne sais pas encore si cet enfant est le fruit d'un hasard ou d'un calcul, mais je me dois de lui laisser le bénéfice du doute. Je vais étudier quelle proposition je pourrais lui faire, et contre quel marché cela l'aidera à prendre une décision...
En tous cas, avec vous deux à mes côtés, je me sens vraiment bien épaulé et rassuré : vous savez quoi, les gars ?

-- Non !... répondirent en chœur Henri et Charles.

-- Il me semble que nous venons de prouver encore une fois que nous n'avons rien à envier aux Trois Mousquetaires ! dit Nikolaï avec un sourire fier.

-- Sauf qu'ils étaient quatre les Trois Mousquetaires... fit remarquer Henri.

-- Eh bien, nous aussi, nous serons bientôt quatre dans cette histoire... en comptant Carolina !

CHAPITRE 17

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