Après le départ de Charles, Nikolaï expédia rapidement les affaires courantes, appela Henri pour vérifier que tout se réglait parfaitement. Il l'informa aussi de son diner avec Carolina, et le pria de lui envoyer par courriel tous les éléments qu'il aurait déjà réussi à réunir sur la belle.
Toujours présent et fidèle, Henri s'exécuta rapidement et Nikolaï reçut un dossier secret digne des plus grands espions. S'il y a de nombreux mots que la politique et le pouvoir détournent, "secret" en est très sûrement un des premiers...
C'est fou tous les renseignements que l'on peut recueillir sur une personne sans éveiller le moindre soupçon. Il faut dire que la technologie courante aide beaucoup de nos jours : la localisation GPS est accessible grâce aux accros du téléphone portable avec possibilité de capter la teneur des conversations où qu'elles aient lieu ; les détails des mouvements financiers sont plus simples à surveiller avec la généralisation des paiements par Carte Bleue ; la lecture des correspondances modernes est un jeu d'enfant, les serveurs gardant copie de tous les messages envoyés et reçus, c'est même beaucoup plus simple que de relever le courrier d'une boite aux lettres réellement existante ! Enfin, la télésurveillance des rues permet de plus en plus de glaner des informations visuelles à la manière du suivi d'un sitcom : les personnes et les lieux fréquentés, les mimiques...
Que de belles inventions le vingtième siècle nous a-t-il données dans notre beau pays des droits de l'homme et de la liberté !

C'est vrai que le domaine du renseignement avait été l'un des premiers à profiter de toute cette nouvelle armada simplificatrice. Les "planques" à l'ancienne avec système d'écoute archaïque étaient dépassées. Maintenant, on avait la possibilité d'écouter "propre" et discret, avec la miniaturisation des webcams et les écoutes par satellite. Et on pouvait en savoir dix fois plus qu'avant sans avoir même à prendre les personnes en filature.
Naturellement, au niveau des "pros" c'était plus délicat, chacun ayant des connaissances pointues dans ces nouvelles techniques, c'est tout le milieu qui avait été révolutionné. Les mesures de cryptage évoluaient sans arrêt et le travail y était ardu. Mais pour la surveillance du commun des mortels, l'époque était vraiment une aubaine...

Nikolaï éplucha donc soigneusement les courriels reçus et envoyés récemment par Carolina selon le lien qu'Henri lui avait fourni, et nota avec intérêt le nom des destinataires et des expéditeurs qui revenaient le plus souvent. Carolina utilisait beaucoup Internet à priori, et faisait aussi preuve d'une grande rigueur dans le classement de ses messages. Nikolaï trouva que cette organisation était très commode : il pouvait ainsi retracer toute l'histoire d'une correspondance par dossier plutôt qu'en ayant à reconstituer un puzzle d'après les divers courriels par ordre chronologique.
Nikolaï avait besoin d'une femme organisée, et Carolina marquait donc un point.
De plus, elle écrivait plutôt bien, et entretenait des relations personnelles qui avaient l'air tout à fait sincères et proches avec plusieurs personnes. Nikolaï découvrait la jeune femme dans l'intimité de ses mots et dans ce rôle de voyeur, il se délectait...

Après avoir épluché ses relations personnelles via les traces écrites, Nikolaï se prit d'intérêt pour les comptes bancaires de Carolina. A l'évidence, elle n'avait pas besoin de décrocher le job qu'il lui tendait au bout de sa perche pour s'en sortir ! Carolina avait assez d'argent visible sur ses comptes pour vivre plusieurs vies même... L'argent ne pourrait pas la motiver. Quelque part, cela rassura Nikolaï, car l'appât du gain n'est jamais un bon moteur.
Il ne nota rien de suspect dans les mouvements d'argent, tout avait l'air plutôt carré et bien géré.

En lisant son dossier personnel, rédigé par Henri en personne, Nikolaï apprit que Carolina était issue d'une famille autrichienne par sa mère, et qu'elle descendait par son père de façon très lointaine et brumeuse d'une branche des derniers tsars de Russie. Ainsi cette fille avait-elle sans doute dans les veines quelques gouttes de sang aristocratique, pas étonnant dans ces conditions qu'elle ait si fière allure !
L'histoire de sa famille, émigrée au début du vingtième siècle en Suisse, sur les bords du Lac Léman, puis en Sicile, puis enfin sédentarisée après la Première Guerre Mondiale tout à côté du Vatican laissait supposer que quelques motifs obscurs et politiques les avaient longtemps contraints à l'exil.
De grandes pages de l'histoire de cette famille se perdaient dans le flou des allers et venues entre le Lac Léman, le Vatican et la Sicile. Henri avait noté toutefois qu'ils étaient arrivés plutôt pauvres en Suisse, et plutôt riches à leur installation près du Vatican sans pouvoir dire d'où cette fortune était venue. Sans vouloir insinuer quoi que ce soit, Henri soulignait juste le fait que c'était les affaires qu'ils avaient menées en Sicile qui semblaient avoir fait leur fortune...
La famille de la Belle aurait-elle, ou aurait-elle eu, des contacts avec le milieu ?...
Cela fit sourire Nikolaï, parce que si tel était le cas, cela pouvait être un atout bien utile politiquement parlant évidemment... Décidément, cette Carolina était une perle rare !

La mini biographie de Carolina, concoctée par Henri, s'attachait essentiellement à sa carrière de top modèle commencée à l'âge de seize ans, et poursuivie jusqu'à près de trente six ans, de façon certes plus épisodique...
De nombreux clichés venaient prendre le relai des commentaires un peu gauches qu'Henri avait rapporté de ses défilés de mode et des photos en tous genres qu'il avait pu glaner.
Carolina n'avait pas eu la vie de tout le monde, et cela tombait bien parce que Nikolaï avait besoin d'une femme particulièrement exceptionnelle. C'est vrai, après tout, n'était-il pas lui-même un personnage d'exception ?...
Il ne pouvait assurément pas se contenter d'une femme belle et intelligente, il lui en fallait une qui soit... hors du commun !

Carolina lui apparaissait de plus en plus comme étant la seule qu'il puisse désirer pour l'accompagner dans les quelques années à venir, la seule à la hauteur du défi qu'elle aurait à relever en acceptant le rôle.
Elle était divinement belle, intelligente, séduisante cultivée, racée, raffinée... Nikolaï sentait les mots et l'émotion l'envahir : il devait absolument la convaincre... Et l'heure du diner approchait...
Malgré tout, Nikolaï était confiant : il y a des moments comme ça dans la vie, où l'on sent la force du destin en marche, et dont on sait intuitivement, que rien ne pourra l'arrêter.

Nikolaï croyait très fermement en cette force du destin contre laquelle on ne peut rien. Pour lui, c'était comme un fait acquis, qu'à partir du moment où l'on désire fortement une chose, et que l'on fait preuve d'une détermination sans faille, alors des forces invisibles conspirent à en rendre possible la réalisation par toute une série de hasards, de coïncidences et d'opportunités qui, soudain, comme par magie se mettent à apparaitre.

Quand il y réfléchissait honnêtement, Nikolaï savait bien que rien ne le prédestinait à la vie qu'il menait aujourd'hui. Certes, il était brillant, travailleur et déterminé, mais son physique l'avait largement desservi et handicapé par le passé, ainsi que ses origines plutôt modestes.
Les moqueries de ses camarades, puis celles des journalistes, sur sa taille le blessaient particulièrement. Qu'est-ce qu'il y pouvait s'il était né "petit" ?

Cependant, du fait de toutes ces railleries qu'il avait endurées, Nikolaï s'était résolu à consulter un chirurgien plastique il y avait maintenant cinq ans à Miami. Ce chirurgien, c'est un ami qui lui en avait parlé. Ce dernier en avait testé le savoir-faire par une opération d'allongement du pénis qu'il avait subie, et qui, d'après lui, avait très bien réussi et lui avait ainsi changé la vie.
Cela fit immédiatement écho chez Nikolaï dans un élan d'espérance incommensurable, et le décida à rassembler plus de renseignements sur la chose : et si la technologie appliquée au pénis de son ami était transférable au problème de Nikolaï, c'est-à-dire à ses jambes ?
Il se rendit donc à Miami et prit rendez-vous avec le docteur Rimmer auquel il exposa son problème. Celui-ci sans hésitation lui décréta que l'opération devait être possible, et qu'il pourrait probablement "l'augmenter" de dix centimètres, mais en trois opérations successives sur quatre ou cinq ans. Il expliqua à Nikolaï que la première opération ne lui donnerait certainement au mieux que deux centimètres, et que ce serait essentiellement grâce aux traitements qu'il prendrait entre les deux opérations suivantes que l'on pourrait rendre ses os réceptifs à une nouvelle poussée de croissance par stimulation neurophysiologique.
Ainsi donc, s'il opérait Nikolaï avant la fin de l'année, il atteindrait la taille d'1,63 m avant noël, puis 1,68m voire 1,70m en fin de traitement.

Nikolaï décida donc de tenter le tout pour le tout, et cette progressivité lui parut être une très bonne chose vis-à-vis de personnes qui l'entouraient pour que rien ne se remarqua trop rapidement, et qu'il n'ait encore à essuyer de nouvelles moqueries.
Il subit donc la première opération dans la quinzaine de jours qui suivit sa visite au Docteur Rimmer. Et, comme promis lors de la consultation, cette opération lui permit pour la première fois de sa vie de franchir la barre des 1,65 m car le Docteur Rimmer avait pu, au-delà de ses espérances, étirer ses tendons et ses muscles de telle sorte que ce n'était pas deux mais quatre centimètres qu'il avait gagnés !

Nikolaï n'avait rien dit à personne de cette opération, mais il sentit très vite que ces quelques centimètres changeaient beaucoup ses relations avec les autres. Ainsi décomplexé, il prit une assurance nouvelle et ses combats et engagements politiques devinrent plus fermes et plus tranchés.

Aujourd'hui, après ses trois opérations, Nikolaï mesurait environ 1,70 mètre, et bien que cela ne soit pas une stature de géant, il avait rattrapé et atteint une sorte de minimum vital pour que son esprit puisse s'apaiser et vivre en harmonie avec son corps.
Les seules contraintes qu'il devait supporter était de passer un scanner tous les dix huit mois pour vérifier que la densité de la masse osseuse ne régressait pas, et que les cartilages rajoutés en jonction entre les os étaient toujours en place et tenaient le coup. La seconde contrainte était de ne pratiquer aucun sport violent, mais d'avoir par contre une activité sportive douce et régulière quasi quotidienne.
Nikolaï avait choisi de pratiquer le vélo, en extérieur ou en appartement, et c'est la raison pour laquelle il exigeait toujours d'emmener avec lui son vélo d'appartement au cours de ses déplacements. De la rigueur de sa pratique dépendait la garantie que ses jambes ne se dérobent pas un jour sous lui sans crier gare : Nikolaï était donc très assidu à cette pratique.
Le docteur Rimmer l'avait bien mis en garde : le risque était grand de ne plus avoir assez de solidité de tendon et de muscles, et que ce qu'il avait gagné en centimètres, s'il voulait le conserver, il devrait le payer jusqu'à la fin de sa vie en litres de sueur quotidiennes versées à cette cause.
Mélina était la seule personne au courant de l'opération et de ses implications.

Carolina était grande, très grande... L'opération de Nikolaï l'avait décomplexé en général sur sa petite taille, néanmoins dans les rapports de séduction, Nikolaï ne pouvait s'empêcher de se sentir le "nain de service", celui dont on caresse le crâne comme s'il s'agissait d'un porte-bonheur, celui qu'on renvoie jouer dans les jupes de sa maman...
Nikolaï était donc loin d'avoir complètement gagné la partie, son psychisme restait profondément marqué par ce qu'il considérait être une "infirmité".
Et si Carolina, habituée à évoluer dans le monde des "grands", lui renvoyait cette image de "nain" ?... Comment pourrait-il le supporter après tous les espoirs qu'il avait fondés sur elle ?... Y arriverait-il seulement ?...

Le docteur Rimmer lui avait bien précisé que cette opération unique et exceptionnelle, qu'il n'avait auparavant jamais tentée, ne pouvait pas être répétée plus de trois fois, indépendamment des résultats qu'ils obtiendraient, car ensuite on courait le risque d'abimer de manière irréversible les cellules souches des tendons, et que sans le soutien des tendons, on ne pouvait plus penser la jambe en mouvement.
Pourtant, Nikolaï continuait de rêver à ces quelques centimètres de plus qu'il pourrait peut-être gagner, et qui pourraient faire de lui un homme définitivement heureux avec, enfin, ce sentiment d'égalité face à ses interlocuteurs...

L'esprit de Nikolaï vagabondait comme un jeune chien errant, s'attardant ça et là à un détail qui, faisant appel à un autre détail, déroulait sans qu'il n'y prenne garde le fil de sa vie en dénouant ceux de la vie de Carolina. Il sentait que sa vie actuelle était suspendue entre deux instants forts, et il ne savait pas encore de quel côté elle allait basculer. Tout ce qu'il savait, c'est que Carolina y occupait une place maîtresse.
Oui... Maîtresse...
Et si Carolina, contre toute attente, tombait follement amoureuse de lui ?...

L'interphone coupa court au tournage des premières scènes d'amour du dernier film que Nikolaï tournait dans sa tête. C'était Bénédicte qui lui signifiait qu'il était 18h30 et qu'elle s'apprêtait à partir. Nikolaï la remercia aimablement et lui souhaita une bonne soirée. Il la pria de bien vouloir vérifier en partant auprès du chef cuisinier qu'il avait bien pris note que le diner devait être servi dans le salon mauve à 20h30 précises, et que le service devait être effectué en toute simplicité sans protocole, puisqu'il s'agissait d'un diner à caractère privé. Bénédicte lui assura qu'elle y veillerait en quittant le palais et Nikolaï cessa ainsi ses rêveries de "midinette" pour aller se préparer à jouer l'un de ses plus grands rôles.

Après s'être douché, rasé et discrètement parfumé, Nikolaï choisit un costume bleu nuit et une chemise d'un jaune très pâle qu'il enfila sans hâte, prenant plaisir à réaliser chacun de ses gestes.
Une des convictions de Nikolaï était que lorsqu'on prépare avec soin et sans précipitation un projet qui nous tient à coeur, on met alors de son côté toutes les chances de le réussir. Dans ce calme et cette concentration, on laisse moins de place au stress, et par effet de ricochet, on accroit sa confiance dans la situation et sa capacité à la gérer pour le mieux.
Appliquant à la lettre ce précepte apaisant, Nikolaï se sentait de plus en plus prêt à assurer un diner d'exception en compagnie de sa future épousée.

Parce que, naturellement, à un moment ou à un autre, il devrait bien épouser Carolina... Cela ne pouvait pas être autrement... Même si le cadre légal dans lequel cela pourrait se réaliser restait encore flou, il n'y avait pas d'autre solution possible. Il serait prochainement le premier président divorcé, puis célibataire, il ne pouvait pas non plus être le premier président vivant en concubinage ou pacsé !... La capacité d'innovation est une qualité importante, mais elle se heurte parfois à certaines limites, et le protocole d'état est un carcan très peu sensibilisé à la créativité et à la modernité des mœurs.
Pour l'instant, Nikolaï ne devait en nourrir aucune inquiétude. Chaque réponse viendrait en son heure quand les questions l'exigeraient. L'important était d'abord de s'assurer du partenariat de Carolina, et pour le reste, Charles trouverait les solutions les plus adaptées. Au pire, si légalement ou constitutionnellement des obstacles incontournables venaient à surgir, on aurait toujours la possibilité de réviser les lois, voire même la Constitution !
Les pleins pouvoirs n'étaient-ils pas aux mains de Nikolaï ?... Nikolaï tout puissant...

La voiture particulière de Nikolaï avait quitté la cour officielle depuis maintenant près de quarante minutes et Nikolaï commençait à s'impatienter. Seul dans le salon mauve, il tentait de concentrer son attention sur la lecture d'une note destinée à la presse, au sujet du groupe terroriste responsable de l'attentat du vol Paris-Los Angeles de ce matin. Henri avait bien travaillé et retraçait l'histoire de ce groupuscule jusque là inconnu avec un talent remarquable.
Ce groupe opérait dans l'ombre, ses leaders présumés seraient bien connus des services de renseignements internationaux pour des actions extrêmement rares mais toujours meurtrières, dont les dernières auraient été notamment perpétrées au Japon. On ne savait pas exactement ce qui motivait leurs actions, et force était de constater que la très grande discrétion avec laquelle ils opéraient les rendait difficiles à localiser, d'autant plus qu'en utilisant ce genre de procédés, ils n'avaient jamais aucun homme présent sur les lieux ou à bord des appareils qu'ils contaminaient.
C'était pas mal du tout ! Ainsi, on n'aurait pas à trouver des figurants terroristes pour les mener devant un juge zélé qui tenterait de faire toute la lumière sur l'affaire... Il était fantastique cet Henri, fantastique... Sous ses aspects un peu bruts et un tantinet benêt, se cachait une intelligence situationnelle supérieure à tout ce que Nikolaï avait pu voir jusqu'à maintenant.

Ce qui rapprochait Henri et Nikolaï, au-delà de leur professionnalisme, c'était ce besoin de toujours devoir prouver sa valeur. Nikolaï avait ses "tares" physiques si souvent raillées qu'il avait à venger ; Henri, lui, c'était son inculture qui le rendait fragile aux yeux des autres, cette image de "bœuf" sans éducation. Il n'avait pas fait de grandes études, il n'en avait d'ailleurs pas fait du tout, mais malgré cela, il avait gravi les échelons avec beaucoup de simplicité, de chance, d'amitié et d'humanité. Il n'avait rien d'un bureaucrate ou d'un technocrate, il était un homme de terrain avant tout . Il savait diriger une action et possédait un charisme naturel qui forçait le respect avec sa stature imposante qui dépassait les deux mètres. A l'opposé de Nikolaï, ses surnoms à lui étaient plutôt du genre : "la Bête" employée à double sens, le "rugbyman", "Conan le Barbare", etc...
Comme quoi, dès que l'on ne se situe pas dans l'empire du milieu, au niveau taille, on est montrés du doigt.

Nikolaï et Henri partageaient donc cette même souffrance, celle de ceux à qui on renvoie sans arrêt une différence dévalorisante, les plaçant ainsi en marge de la vie "normale". Ces jets de mesquinerie peuvent produire deux effets : soit on les subit et on s'automutile d'un avenir rêvé par ces prédictions d'inadéquation, soit on y puise la force de résistance qui permet de défier tous les impossibles et de réaliser les plus grandes choses.
Henri comme Nikolaï possédaient tous deux ce mental d'acier hors norme qui leur avait permis de vaincre tous leurs détracteurs et de se hisser bien plus haut que tous ceux qui les avait rabaissés.
La force mentale est plus forte que la force physique, et la détermination permet de relever tous les défis, si on sait garder et cultiver sa confiance.

Nikolaï entendit la grille se relever, puis le bruit des pneus crissant doucement sur les graviers de la cour. Le moteur s'arrêta, et la portière s'ouvrit, Nikolaï se précipita vers la porte du salon. Il voulait accueillir Carolina en personne.
Quand il ouvrit la porte du salon mauve, Carolina était déjà engagée dans le vestibule. elle portait une robe violette, assez près du corps, ses cheveux relevés en chignon lui donnaient un air de femme fatale des années cinquante. Elle leva la tête vers le haut de l'escalier et, apercevant Nikolaï lui fit un signe de la main.

Dans son empressement à la saluer, et sans que personne n'ait rien vu venir, Nikolaï s'emmêla les jambes et se prit le pied droit dans les bords du tapis mauve pourtant fixé à chacune des marches par des baguettes solidement arrimées...
L'effet fut immédiat et Nikolaï plongea la tête la première dans l'escalier par chance relativement court, et arriva aux pieds de Carolina bien plus vite qu'il ne l'avait imaginé.

-- Monsieur Sherkan ?... Vous allez bien ?

Benoit, le majordome s'affairait autour de Nikolaï : il le saisit sous les avants bras et le traina jusqu'au premier fauteuil du vestibule d'entrée. Nikolaï n'avait pas fait une chute spectaculaire, tout au plus une chute risible... La moquette épaisse avait grandement amorti sa descente infernale vers son paradis. Lui ayant rapidement tâté le pouls et palpé les jambes, Benoit l'aida à se remettre debout et se retira.

-- Carolina !... J'espère que votre trajet se sera mieux passé que le mien...

Carolina laissa échapper un petit rire complice :

-- Contrairement à vous, j'ai dû subir quelques petits ralentissements... mais sans conséquence...

-- Voyez-vous Carolina, je suis un homme d'action avant tout ! J'aime donner les impulsions nécessaires et décisives aux choses qui en valent la peine, et vous avez vu par vous-même comme je n'hésite pas à y impliquer toute ma personne quand il le faut !... plaisanta Nikolaï.

-- En effet...

-- Je vais vous escorter jusqu'au salon, mais ne craignez rien : dans ce sens cela ne devrait pas poser de problème... mais peut-être devriez-vous tout de même tenir la rampe...

-- Mais Nikolaï... il me semble bien que ça n'était pas un faux pas que vous avez fait...

-- Non ?...

-- Mais bien un pas de géant pour atteindre plus vite votre but, non ?...

-- Vous lisez en moi comme dans un livre ouvert Carolina...

CHAPITRE 9

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